Découvrir la structure des failles cévenoles
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A l’origine…
Le séisme de magnitude 5.2 qui s’est produit dans la région du Teil le 11 novembre 2019 est un évènement historique sans précédent qui pose de nombreuses questions, notamment en matière d’aléa sismique. Une des questions majeures pour la compréhension des séismes est de déterminer où et comment la rupture des roches s’initie et se propage le long d’une faille. Mais la zone hypocentrale, le foyer du séisme, n’est jamais accessible à l’observation directe car elle se trouve le plus souvent à plusieurs kilomètres ou dizaines de kilomètres sous le sol.
Le foyer du séisme du Teil étant exceptionnellement peu profond (~1 km), il permet d’envisager la mise en place d’un forage traversant la faille à la profondeur hypocentrale, soit environ 1 km. Cela permettra d’étudier la rhéologie de la faille de la Rouvière c’est-à-dire sa mécanique, son élasticité, sa composition.
La campagne de forage de janvier 2022 est l’une des étapes de ce travail d’investigation. Elle vise à créer un puits d’environ 15 cm de diamètre à la verticale. Situé à une dizaine de mètres du pied de l’escarpement de la faille qui descend en pente de 65° environ vers le sud-est, le puits doit traverser la faille à environ 20 m de profondeur.
Interview de Jean-Paul Ampuero – Le foyer du séisme du Teil étant exceptionnellement peu profond (~1 km), il a permis d’envisager la mise en place d’un forage traversant la faille à la profondeur hypocentrale, soit environ 1 km. Jean-Paul Ampuero, sismologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), pilote ce volet du projet FremTeil qui vise à étudier la rhéologie de la faille de la Rouvière c’est-à-dire sa mécanique, son élasticité, sa composition.
J1 – 24 janvier 2022 / -2° au lever du soleil. Temps clair, pas de vent
Le premier forage « de repérage » est en cours depuis le petit matin. La foreuse, énorme, fonctionne grâce à un puissant compresseur. Deux camions sont groupés autour de la machine qui creuse bruyamment en dégageant un énorme panache de poussière de l’argile grise qui constitue une partie du sous-sol de la région. Ce premier forage est destructif : la roche est broyée et évacuée par l’air comprimé injecté à haute pression. Des cuttings (poudre résultant du broyage des roches) sont prélevés à différentes profondeurs pour vérifier la composition du sous-sol.
Le travail se poursuit dans le fracas de la foreuse et la poussière jusqu’en milieu d’après-midi. Une caméra est ensuite engagée dans le puit afin de vérifier la présence de roches très fracturées correspondant à la zone de faille. Le contrôle effectué permet de valider l’emplacement du second puit qui sera creusé le lendemain. En fin d’après-midi, chacun regagne sa voiture.
24 janvier 2022. La foreuse en action © Jean-Paul Ampuero, IRD
J2 – 25 janvier 2022 / -2° au lever du soleil. Temps clair, pas de vent
Le premier rendez-vous est donné vers 8h30 sur le site de forage. Il gèle fort et le soleil est encore caché derrière le bois au-dessus du champ de lavande. L’entreprise est déjà sur place et prépare le deuxième forage qui sera creusé parallèlement au précédent à environ 1 m de distance. Il permettra de prélever des carottes qui seront analysées en laboratoire.
Lorsque la foreuse se met en route, le même nuage gris se répand autour des véhicules. Divers éléments sont fixés les uns aux autres pour préparer l’introduction d’un tube en acier destiné à assurer le maintien du puits sur les premiers mètres (constitués d’argile, ils sont susceptibles de tomber à l’intérieur). Les carottes seront prélevées au-delà de ce tube.
Le bruyant travail se poursuit tout au long de la journée, avec de nombreuses interruptions pour des opérations de manutention. En fin d’après-midi, les premières carottes ont été extraites, dont celle contenant la brèche de faille, constituée de fragments calcaires anguleux pris dans un mélange de sédiments argileux solidifié.
Dans l’une des carottes extraites, la partie correspondant à la brèche de faille © Jean-Paul Ampuero, IRD
J3 – 26 janvier 2022 / Gelées, soleil, rafales de vent
Des rafales de vent emportent la poussière du forage vers le champ de lavande. Depuis lundi, elle a recouvert toute la végétation qui semble saupoudrée d’une neige sale. Le carottage continue toute la matinée afin d’extraire les éléments les plus profonds, entre 18 et 25.5 mètres. Les carottes sont stockées dans des caisses spéciales.
En fin de matinée, un ingénieur arrive avec du matériel très spécialisé destiné à effectuer des sondages à l’intérieur du puit. Ils permettront d’imager finement les parois du puits : imagerie optique, par rayons gamma, sismique et électrique. Ces deux derniers nécessitent de noyer le puits afin de descendre les capteurs dans l’eau.
A cet effet, deux conteneurs de plus d’un mètre cube d’eau chacun ont été apportés par l’entreprise qui réalise les forages.
Au terme de ces trois jours de prospection, les chercheurs et ingénieurs regagnent leur laboratoire, emportant les échantillons et données afin de les analyser.
En savoir plus
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- Consultez la page Traquer les paléo-séismes en Ardèche – 2022 qui raconte la campagne paléo-sismologique qui se déroulait en parallèle de cette campagne de forage.
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Descente d’une sonde au fond du puits © Jean-Paul Ampuero, IRD