Mesurer la déformation des Alpes grâce à la géodésie GNSS
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Mesurer la déformation des Alpes Campagne de mesures GNSS, juillet 2021
A l’origine…
La campagne GNSS menée dans le Briançonnais du 29 juin au 8 juillet 2021 est un exemple d’une des manières de recueillir des données qui permettent aux scientifiques de mieux comprendre la dynamique de la Terre. Le réseau du Briançonnais est un réseau GPS pilote particulièrement dense (une trentaine de sites sur une superficie d’environ 375 km2 autour de Briançon) installé périodiquement pour mesurer la déformation des Alpes françaises dans sa zone la plus sismique. Il a été mesuré en 1996, 2006, 2011 et 2016. La campagne 2021 a permis de prolonger les séries temporelles (c’est-à-dire les données collectées) sur une durée de 25 ans, ce qui est exceptionnel et permettra d’obtenir des évaluations des faibles taux de déformation de quelques dixièmes de millimètres par an !
A écouter : "Saviez-vous que les Alpes grandissent ?" sur France Bleu Besançon à propos de la campagne (1 mn)
Le matériel
Le dispositif de mesure est constitué d’une antenne qui capte les signaux des satellites GNSS (GPS, Glonass et Galileo), reliée à un numériseur qui enregistre les informations en provenance de ces satellites (un fichier par point et par jour de mesure). L’alimentation électrique de l’ensemble est assurée par des batteries de voiture et des panneaux solaires.
Chaque point de mesure représente ainsi entre 25 et 30 kg de matériel (dont 20 kg pour la seule batterie !). S’y ajoutent divers outils tels qu’un GPS de poche pour la recherche des points, un voltmètre pour vérifier la charge des batteries, des câbles et prises, un régulateur et une batterie de rechange, etc. Le « pack campagne » représente ainsi environ 80 kg par équipe.
Douze véhicules ont été loués pour transporter les onze équipes d’opérateurs et le binôme d’organisateurs avec leur matériel.
Avant le départ
Douze véhicules ont été loués pour l’occasion, permettant de transporter les équipements, ainsi que le matériel de camping et les vivres nécessaires à ces dix jours de campagne. Les opérateurs doivent en effet rester à proximité immédiate des instruments, souvent loin de toutes commodités, pour surveiller leur bon fonctionnement et effectuer des relèves régulières. L’un des véhicules est réservé aux deux pilotes de l’opération qui vont visiter l’ensemble des sites durant la campagne afin de vérifier le bon fonctionnement des dispositifs, assister les équipes, assurer les remplacements en cas de pannes d’instruments, etc.
Les volontaires se sont réunis le 29 juin au matin au laboratoire ISTerre de l’université de Grenoble-Alpes afin de recevoir les informations indispensables au bon déroulement de l’opération : présentation du réseau, modalités d’accès aux sites, mode d’emploi des instruments. Avant le départ, une séance de travaux pratiques s’est déroulée à l’extérieur afin de permettre à chacun de bien maîtriser le processus d’installation.
Après un sandwich et les dernières recommandations, chaque équipe a chargé son véhicule avant de partir pour la montagne, à plus de 3h de route, avec pour consigne d’installer les deux premières stations dès leur arrivée.
Prise en main des instruments avant le départ sur le campus de l’université de Grenoble. Rien d’évident pour des novices ! © Véronique Bertrand, Eost Strasbourg
Installation, mesure et désinstallation sur site
Lors de leur arrivée sur le site, les volontaires installent immédiatement deux capteurs (ce double enregistrement permet de sécuriser la collecte) qui vont fonctionner sans interruption durant 48 heures. Les points de mesure sont matérialisés par des repères en métal fixés dans la roche : soit un « clou » rond et plat gravé d’une croix, soit un cylindre fileté permettant un centrage forcé du mat d’antenne. Les instruments sont posés au centre du clou ou leur pied vissé dans le cylindre, ce qui garantit la stabilité du point de mesure à chaque campagne depuis 25 ans.
Une fois les mesures lancées, l’équipe peut monter le campement et s’y installer pour trois nuits. Pendant toute la durée des mesures, les opérateurs effectuent des relevés et surveillent régulièrement le bon fonctionnement des instruments : charge des batteries, nombre de satellites captés et diminution de la mémoire disponible (donc de l’augmentation de la taille des fichiers de données). Si les panneaux solaires ne fournissent pas assez d’électricité, il leur faut trouver un moyen de recharger les batteries qui vont prendre le relais.
A J+4 au matin, les instruments sont désinstallés après une dernière relève de la mémoire des numériseurs, qui sont éteints en premier. Suivent les éléments d’alimentation électrique et leurs câbles. Les antennes et leurs supports sont dévissés, le repère à vis est refermé et l’ensemble du matériel est rapatrié dans le véhicule avec le matériel de camping. L’équipe part ensuite installer le point de mesure suivant. Trois sites seront ainsi instrumentés par chaque équipe au cours de la campagne.
Campagne de mesures GNSS dans les Alpes 2021 : orientation de l’antenne AS10 lors de l’installation de l’un des points de mesure © Véronique Bertrand, Eost Strasbourg. En savoir plus
Mise à niveau du bipied destiné à supporter l’antenne © Véronique Bertrand, Eost Strasbourg. En savoir plus
Relève des données des instruments © Véronique Bertrand, Eost Strasbourg
Campement avec les responsables de la campagne, Andrea Walpersdorf et Christian Sue © Véronique Bertrand, Eost Strasbourg
Le site de Saint Hippolyte, avec les deux antennes sur le rocher © Véronique Bertrand, Eost Strasbourg. En savoir plus
Les aléas techniques et climatiques
De nombreux petits incidents émaillent les campagnes. Le défi pour les opérateurs est de s’assurer qu’aucun de ces incidents n’interrompe les mesures en cours, ce qui n’est pas toujours simple.
L’un des problèmes les plus fréquents est la baisse de charge des batteries, notamment lorsque la source complémentaire des panneaux solaires est trop faible du fait d’une météo peu clémente. Il faut alors installer la batterie de rechange (le numériseur lui-même dispose d’une petite batterie interne qui lui permet de fonctionner durant l’opération) et trouver localement une prise électrique pour recharger une batterie durant une demi-journée ou une journée.
Un autre incident qui s’est produit sur 5 sites durant la campagne est la défaillance du régulateur faisant la liaison entre les panneaux solaires et la batterie, en général à cause d’une erreur de manipulation. Heureusement, le « kit de survie technique » de chaque équipe comporte un régulateur de rechange.
La météo peut également être plus ou moins favorable aux mesures. Un vent violent peut emporter les bâches de protection et/ou les panneaux solaires. Dans ce cas, une grande vigilance et une présence renforcée sont nécessaires pour garantir le suivi de la mesure.
Le site de Serre-Buzard au petit matin, avec l’antenne shoke-ring au premier plan et l’antenne AS10 plus loin. Le reste du matériel est bien l’abri de l’humidité dans des caisses bâchées © Véronique Bertrand, Eost Strasbourg. En savoir plus
Retour au camp de base
Le 8 juillet au matin, toutes les équipes récupèrent les instruments et rentrent à Grenoble. Au total, près de 3800 heures d’enregistrement ont été recueillies. Ces données seront exploitées durant trois ans par les chercheuses et chercheurs ayant conduit la campagne, avant d’être ouvertes à l’ensemble de la communauté scientifique.
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- Voir d’autres photos de la campagne (collection Hal Epos-France)