Organisation de la surveillance des séismes en France
La surveillance sismique consiste à détecter, localiser et caractériser dans un temps court les séismes se produisant sur un territoire afin d’informer les scientifiques, la population et/ou les autorités.
Un séisme est une rupture brutale qui se produit le long d’une portion de faille située dans les parties « cassantes » de la croûte ou du manteau supérieur de la Terre. Ce phénomène va générer des ondes sismiques qui se propagent à plusieurs kilomètres par seconde. Lors de leur passage, ces ondes génèrent une déformation plus ou moins forte du sol qui va pouvoir être captée par les sismomètres installés dans des stations sismologiques situées à différentes distances de l’hypocentre.
En France métropolitaine, les stations sismologiques permanentes des réseaux Epos-France RLBP et RAP enregistrent en continu ces mouvements du sol et transmettent ces données en temps quasi réel (délai de quelques secondes) vers le système d’information de Epos-France.
Ces données sont automatiquement récupérées par des centres d’analyse où fonctionnent en permanence des algorithmes informatiques[VB1] permettant de :
- détecter tout changement brutal du mouvement du sol à une station sismologique et pouvant correspondre à l’arrivée d’une onde sismique (phase de détection) ;
- vérifier la survenue quasi simultanée et cohérente de détections à plusieurs stations (phase d’association) ;
- déterminer l’hypocentre du séisme à partir du temps d’arrivée des ondes sismiques détectées et via des méthodes proches d’une triangulation (phase de localisation) ;
- analyser l’amplitude des ondes sismiques pour déterminer la magnitude du séisme.
L’ensemble de ces opérations s’effectue très rapidement. Il est ainsi possible de détecter la survenue d’un séisme seulement quelques dizaines de secondes après son occurrence. Au fur et à mesure que les ondes sismiques atteignent des stations sismologiques plus éloignées de l’épicentre, la qualité de la localisation et l’estimation de sa magnitude s’affinent, ce qui fait qu’entre la première analyse et la localisation finale la différence peut être de plusieurs kilomètres.
Copie d’écran du système d’analyse temps réel de la sismicité (outil « Seiscomp 3 ») en fonctionnement au BCSF-Rénass, ici avec l’exemple du séisme du Teil (11 Novembre 2019). Crédit : @BCSF-Rénass
Néanmoins ces algorithmes ne sont pas infaillibles. Il est ainsi nécessaire que chacun des évènements obtenu automatiquement soit ré-analysé par un humain à l’œil aguerri (appelé « l’analyste »). Le rôle de cet analyste est multiple : il vérifie qu’il ne s’agit pas d’une fausse détection, reprend chaque sismogramme pour affiner la mesure du temps d’arrivée des ondes sismiques (le « pointé »), relance le calcul de la localisation et de la magnitude en cherchant à améliorer leur précision, et enfin analyse les caractéristiques du signal pour déterminer s’il correspond à un véritable séisme, un tir de carrière ou à tout autre phénomène pouvant générer des ondes sismiques (phase de discrimination). C’est seulement après toutes ces étapes que le séisme est dit « validé ». Pour la France métropolitaine, une fois validée, la localisation d’un séisme est généralement connue avec une précision de quelques kilomètres.
En savoir plus
En France, plusieurs organismes, tous les partenaires de Epos-France, sont chargés de cette surveillance en continu de l’activité sismique du territoire.
Surveillance en France métropolitaine
Pour la métropole, un suivi exhaustif est réalisé par le BCSF-Rénass en utilisant l’ensemble des stations sismologiques de Epos-France mais aussi des stations de pays voisins et, depuis peu, des stations sismologiques opérées par des citoyens. Ce service national d’observation affiche généralement sur son site web une première localisation automatique en moins d’une minute. Cette localisation est validée dans les heures qui suivent en jour ouvré. Le catalogue complet des localisations depuis 1980 est disponible sur le site internet du BCSF-Rénass.
Catalogue sur le site du BCSF-Rénass
De manière complémentaire, le Département Analyse, Surveillance, Environnement (DASE) du CEA/DAM a la responsabilité de l’alerte sismique, pour la France métropolitaine, vers le ministère de l’Intérieur pour la Sécurité civile et vers certains opérateurs de sites potentiellement vulnérables (barrages hydroélectriques, voies ferrées…). Cette alerte concerne tous les séismes d’une magnitude supérieure à 3,5. Le DASE s’appuie sur un réseau sismique propre, un système opérationnel et un sismologue d’astreinte 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Lors de la survenue d’un séisme important, l’information est vérifiée par le sismologue puis délivrée dans un délai d’ordinaire inférieur à 30 minutes. Le DASE utilise également les données de stations sismologiques de Epos-France pour localiser les séismes et contribue à Epos-France en mettant à disposition des données de son réseau. Les données relatives aux alertes, automatiques puis validées par l’ingénieur d’astreinte, ainsi que le catalogue de la sismicité en métropole, sont publiées sur le site du DASE.
Basé sur une interface web, l’outil WebObs de l’IPGP est un système intégré pour la gestion des données multidisciplinaires et la surveillance volcanologique centralisée, automatisée et en temps réel © IPGP – En savoir plus
Surveillance en Outremer
Les séismes dans la zone des Antilles, de la Réunion et de Mayotte sont surveillés par les observatoires volcanologiques et sismologiques situés sur ces territoires à partir des réseaux sismologiques locaux (dont les stations sismologiques RAP de Epos-France). Dans le Pacifique, les stations sismologiques du Réseau Sismique Polynésien, maintenu et exploité par le laboratoire local du CEA-DASE lui permettent d’assurer la surveillance sismique du territoire polynésien. En Nouvelle-Calédonie, c’est le laboratoire de sismologie de l’Institut de recherche pour le développement (centre de Nouméa) qui surveille l’activité sismique à partir d’un réseau sismologique local et de stations internationales localisées dans la région.
Ces organismes travaillent de manière coordonnée et ré-analysent régulièrement l’ensemble des séismes afin de proposer à la communauté scientifique un catalogue consolidé dans le cadre de l’action transverse Sismicité de l’infrastructure de recherche Epos-France.
Site web des observatoires volcanologiques et sismologiques de Guadeloupe, Martinique et La Réunion (IPGP)
Contribution citoyenne à la surveillance de la sismicité
En complément de cette approche basé sur des données instrumentales, le BCSF-Rénass a aussi pour mission de recueillir des témoignages de la population et des autorités sur les effets des séismes. Chaque individu qui ressent (ou pas !) un séisme a ainsi la possibilité de compléter un questionnaire en ligne. Ces données sont ensuite automatiquement analysées à l’échelle communale afin de déterminer l’intensité macrosismique locale. Elles permettent de réaliser, quelques minutes après un séisme, une carte préliminaire qui sera complétée a posteriori par une enquête auprès des mairies des communes impactées. En cas de séisme important, ces cartes d’intensité sont notamment utilisées pour définir les zones où un arrêté de catastrophe naturelle doit s’appliquer.
Depuis quelques années, les données issues des témoignages en ligne sont automatiquement couplées avec des données instrumentales afin de réaliser, quelques minutes après un séisme, une estimation régionale de l’intensité de la secousse (« shakemap »). Ces cartes sont un outil important pour les pouvoirs publics afin d’estimer très rapidement les impacts du séisme et de prendre les mesures d’urgences nécessaires.
- Témoigner en ligne sur le site web du BCSF-Rénass
- Réseau Sismocitoyen autour de Strasbourg
Carte d’estimation rapide de l’intensité de la secousse, ici avec l’exemple du séisme du Teil (11 novembre 2019) obtenue à partir des données macrosismiques issues des témoignages en ligne et des données instrumentales issues des stations sismologiques Epos-France. Crédit : @BCSF-Rénass