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Les vibrations ambiantes du sol

Même lorsqu’aucun séisme ne se produit, les enregistrements effectués par les sismomètres montrent en continu de faibles vibrations du sol, imperceptibles par l’homme, parfois appelées « bruit sismique ». Leurs origines sont multiples et dépendent, en premier lieu, de la fréquence (nombre d’oscillations par secondes exprimé en Hertz – Hz) que l’on considère.

A hautes fréquences (supérieures à 1Hz), ces vibrations sont principalement causées par l’activité humaine comme la circulation automobile, les usines (via les machines équipées de pompes ou d’alternateurs) ou simplement des personnes marchant à proximité des sismomètres. Le vent engendre également des oscillations des arbres ou des bâtiments qui font faire vibrer le sol à leur fréquence propre.

Aux moyennes fréquences (entre 0.05 Hz et 1Hz), on observe essentiellement l’effet des vagues dans les océans. Les vagues sont des variations de hauteur d’eau qui génèrent des variations de la pression sur les fonds marins et donc des mouvements du sol qui se propagent dans toute la Terre. On distingue notamment des vibrations à ~0.1Hz qui correspondent à la période des vagues au niveau des côtes (la prochaine fois que vous irez à la plage, essayez de compter le nombre de secondes entre 2 vagues !) et des vibrations au double de cette fréquence (~0.2Hz), plutôt générées par l’interaction de front de vagues de direction opposée en haute mer.

Enfin, à basses fréquences (inférieures à ~0.05Hz) ces vibrations ambiantes sont principalement liées à des phénomènes atmosphériques. Les variations de températures induisent des phénomènes de convection de l’air autour du sismomètre et des dilatations/contractions des éléments métalliques qui les composent. Les anticyclones et les dépressions modifient également la pression de l’air à la surface de la Terre et génèrent de très légères oscillations à basse fréquence qui sont également enregistrées par les sismomètres;

Tous ces phénomènes ont tendance à limiter les capacités de détection des séismes par les stations sismologiques en « cachant » le signal des ondes sismiques recherchées. Plusieurs mesures sont donc prises par les sismologues pour limiter ce « bruit sismique ». Ainsi, on cherche à installer les stations sismologiques loin des activités humaines et dans des lieux où la température et la pression varient le moins possible (caves, grottes, forages…). Concernant le bruit généré par la houle océanique, il est quasiment impossible de s’en affranchir. Même les stations situées le plus loin des océans « voient » ce type de signal. Seules les rares stations sismologiques installées sur la Lune ou sur Mars en sont exemptes !

Mais, a contrario, l’analyse de ces vibrations ambiantes peut également s’avérer très utile !

Il est par exemple possible de caractériser l’activité humaine à travers les vibrations qu’elle engendre. Par exemple, les sismologues ont pu observer une baisse du « bruit sismique » à haute fréquence pendant les périodes de confinement imposées lors de l’épidémie de Covid-19.

A ce sujet, lire l’article “Effet du confinement sur le bruit sismique ambiant en France métropolitaine”. Sur le site web Epos-France.

De manière encore plus anecdotique, des pics de bruit sismique ont été mesurés lors d’évènements sportifs, comme lors de la victoire de l’équipe de France à la coupe du monde en 2018, à cause des mouvements de foule.

L’analyse du bruit sismique lié à la houle permet également de suivre les tempêtes et cyclones en mer avant qu’ils n’atteignent les côtes. A partir des enregistrements anciens de ces tempêtes sur le dernier siècle, il est même envisageable d’étudier l’évolution associée au réchauffement climatique. Enfin, des études scientifiques utilisent également des sismomètres installés à proximité de rivières pour mesurer les flux des particules solides qui y sont transportées afin de mieux quantifier l’érosion. Toutes ces approches sont aujourd’hui regroupées sous le terme de « sismologie environnementale ».

Mais une des principales découvertes de ces vingt dernières années a été de montrer qu’il est possible d’utiliser les vibrations ambiantes du sol pour effectuer des images de l’intérieur de la Terre !

En comparant les enregistrements de longues séries temporelles de ce « bruit sismique » entre des paires de stations sismologiques (via un outil mathématique appelé la « corrélation »), il est possible de mesurer très précisément la vitesse de propagation des ondes sismiques dans le sous-sol entre chaque station. On peut donc effectuer des images tomographiques en 3 dimensions de la structure de l’intérieur de la Terre (d’une manière assez similaire au scanner des médecins) sans avoir besoin d’attendre des séismes. Au contraire, ces séismes deviennent eux-mêmes un bruit perturbateur dans ce contexte !

Aujourd’hui ces méthodes sont de plus en plus utilisées à différentes échelles. Il est même possible de suivre l’évolution de ces vitesses sismiques dans le temps. En effet ces vibrations ambiantes se produisant en continu, il suffit de comparer les enregistrements à différents intervalles pour déterminer si les vitesses de propagation des ondes, et donc les propriétés du sous-sol, ont changé.

Cela ouvre tout un ensemble de nouveaux champs d’application, comme la surveillance des volcans, le suivi des nappes phréatiques ou les changements dans le sous-sol causés par des activités humaines (mines, géothermie, stockage de gaz…).

Variation du niveau de bruit sismique ambiant en France suite au confinement représenté par la médiane des variations relatives de l’amplitude du déplacement du sol

Variation du niveau de bruit sismique ambiant en France suite au confinement représenté par la médiane des variations relatives de l’amplitude du déplacement du sol (moyenne horaire) dans la bande de fréquence 2-10Hz pour 105 stations sismologiques RLBP de Epos-France (cf. Figure 2).  © Jérôme Vergne, Eost-IPGS (Strasbourg). En savoir plus. 

Métier modélisateur : Tomographie de bruit ambiant

L’imagerie sismologique permet de « voir » les structures profondes de la Terre, comme sur cet exemple de modèle tomographique de la structure lithosphérique des Alpes occidentales. Pour en savoir plus, lire l’article dans la Lettre Résif n°19 de mai 2021 (pdf).