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Prédire les séismes ?

Prédire les phénomènes naturels est une question importante en raison de l’impact sociétal significatif que cela peut avoir si les prédictions s’avèrent fiables. Pour cette raison, la prédiction des séismes est une question de longue date dans la communauté scientifique.

Mais qu’entend-on par prédiction d’un séisme ? Au sens étymologique il s’agit d’annoncer, avec une notion de certitude, la date, le lieu et la magnitude d’un séisme. Il faut d’autre part que cette prédiction ait un caractère utile au-delà d’une généralité. Par exemple, on peut tout à fait prédire qu’il y aura demain un séisme de magnitude supérieure à 1 en Californie. Cette prédiction ne révèle rien car il y a tous les jours des dizaines de séismes de cette magnitude dans cette région.

La notion de prévision est un peu différente et consiste à estimer une probabilité de réalisation d’un phénomène à partir d’un modèle. Nous connaissons bien cela pour la météo lorsqu’on annonce qu’il y a 60% de probabilité qu’il pleuve demain dans notre département.

Et si nous pouvions prévoir les séismes comme nous prévoyons la météo ?

L’un des principaux avantages de la météorologie est qu’elle dispose d’un accès direct aux phénomènes qui nous intéressent, à savoir la température, la pression, l’humidité… qui font la météo que nous vivons au quotidien. À l’inverse, l’une des principales raisons pour lesquelles la prévision des séismes est complexe tient dans le fait que les instruments géophysiques mesurent en surface des phénomènes qui se déroulent sous plusieurs kilomètres de roche solide. Ces mesures sont donc indirectes et lointaines. Nous n’avons généralement pas accès direct aux zones des failles où s’initient les séismes.

Malgré cette difficulté, les chercheurs ont souvent tenté de s’attaquer à la question : l’histoire de la prévision des séismes est jalonnée d’espoirs et d’échecs. Depuis plus d’un siècle, les sismologues essaient de mettre au point des méthodes permettant de prévoir les séismes.

Etat des connaissances

Aujourd’hui, nous sommes globalement en mesure d’effectuer des prévisions relativement fiables à long terme, c’est-à-dire sur des échelles de temps de l’ordre de quelques dizaines d’années, au moins pour les zones les plus sismiques du globe. Cela est possible grâce à une bonne cartographie des failles actives, des estimations des vitesses de ces failles sur le long terme, les traces laissées par les séismes historiques ou la mesure précise des déformations de surface. Ces études scientifiques ont abouti à la réalisation de cartes d’aléa sismique qui permettent aux autorités de mettre en place des mesures de prévention en termes de construction des bâtiments, de campagnes d’information de la population ou de préparation des secours.

Malheureusement, les géoscientifiques, et notamment les sismologues, sont toujours incapables – malgré des recherches couvrant un spectre extrêmement large de domaines – de prévoir à court terme (à une échelle de temps de quelques heures, jours ou semaines) qu’un séisme va se produire en indiquant un lieu, une date et une magnitude probable suffisamment précis permettant par exemple une évacuation de la population. Pour cela il faudrait disposer de signaux précurseurs fiables, c’est-à-dire d’observations de phénomènes mesurables qui précèdent systématiquement l’occurrence d’un séisme.

En 2017, des signaux appelés PEGS pour « prompt elasto-gravity signals » (signaux élasto-gravitationnels soudains) ont été découverts et ont laissé entrevoir une possibilité nouvelle d’estimer plus rapidement et de manière plus fiable la magnitude des grands séismes. Lorsqu’un séisme se produit, une immense masse de roche est mise en mouvement de manière soudaine, ce qui engendre une perturbation du champ de gravité terrestre (la pesanteur). Cette perturbation extrêmement faible se propage à la manière d’une onde gravitationnelle, à la vitesse de la lumière de manière instantanée à l’échelle de la Terre. La gravité étant une accélération et les sismomètres enregistrant l’accélération du sol, les PEGS sont enregistrés par nos instruments de mesure « classiques ». De plus, ces signaux sont très sensibles à la magnitude, beaucoup plus que les ondes P dans le cas des grands événements. Les PEGS disposent donc des caractéristiques idéales pour alimenter un système d’alerte. Cependant, leur détection est rendue difficile par leur très faible amplitude (environ un million de fois plus faibles que les ondes P). Comment exploiter des signaux si faibles pour alerter ? La technologie émergente de l’intelligence artificielle (IA) s’avère très performante pour extraire rapidement des signaux faibles dans de grands volumes de données bruitées.

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Pistes de recherche et obstacles

Tout un ensemble de précurseurs ont été proposés et font l’objet d’études et de débats scientifiques. On peut citer l’augmentation (ou la diminution) du nombre de petits séismes juste avant le choc principal, l’apparition d’une zone de glissement lent et de faible amplitude proche du choc principal, des variations du champ électro-magnétique, des changements dans la circulation de l’eau souterraine ou de la concentration de certains gaz, etc… Il est important de préciser que pratiquement aucune piste n’est laissée inexplorée. Par exemple, les scientifiques ont étudié la possibilité de prévoir les séismes en se basant sur les comportements des animaux. En effet, dans l’imaginaire commun, le comportement anormal des animaux est très souvent considéré comme un précurseur potentiel de séisme. Mais, les résultats de ces études montrent que cela ne conduit pas à une prédiction suffisamment fiable pour justifier l’utilisation d’une telle approche. Plus généralement, ces différents phénomènes précurseurs ont été identifiés avant certains séismes mais pas avant d’autres et ne peuvent donc pas être intégrés, pour l’instant, à des systèmes opérationnels d’alerte.

Une limitation importante de la capacité de prévision à court terme des séismes provient du fait que les scientifiques ne comprennent pas encore parfaitement de quelle manière se déclenchent les grands séismes. S’agit t’il d’un phénomène qui s’initie de manière relativement lente et presque “silencieuse” (donc pouvant éventuellement être observée) ? S’agit-il au contraire d’un phénomène aléatoire empêchant de savoir à l’avance si une rupture sismique va s’arrêter rapidement ou au contraire dégénérer dans un grand séisme ? Beaucoup de travaux sont en cours sur cette thématique, notamment grâce aux nouvelles données collectées et mises à disposition de la communauté scientifique par des infrastructures comme Résif-Epos, puis Epos-France.

Comment protéger les populations malgré tout ?

À défaut de pouvoir prédire et/ou prévoir à court terme les séismes, une stratégie alternative consiste à alerter la population juste après l’occurrence d’un séisme mais avant que les ondes sismiques ne frappent un endroit donné. En effet, dans plusieurs régions autour du globe, les séismes se produisent relativement loin des zones habitées (plusieurs dizaines de kilomètres). C’est notamment le cas des séismes dits de subduction car les plans de failles générant ces gros séismes sont, dans la vaste majorité des cas, en mer au large des côtes. Les ondes sismiques destructrices se propageant à des vitesses de l’ordre de quelques kilomètres par seconde, il est théoriquement possible de donner une alerte quelques secondes avant l’arrivée des ondes. C’est juste assez de temps pour déclencher des systèmes d’arrêt d’urgence (trains, réseaux de gaz, ascenseurs …) et pour indiquer à la population de se mettre à l’abri. De tels systèmes d’alerte précoce sont actuellement testés, voire déployés dans certaines régions du globe comme la côte Ouest des Etats-Unis ou le Japon.

A quoi servent les sismologues s’ils ne peuvent pas prédire les séismes ?

Il y a globalement deux sortes de sismologues :

  • ceux qui étudient les séismes pour mieux les comprendre ;
  • ceux qui se servent des séismes pour étudier la Terre et sa structure.

Les travaux des premiers aboutissent à une meilleure connaissance des séismes dans les régions qu’ils étudient (localisation, nombre et magnitude, séisme maximal attendu  …). Les travaux des seconds permettent de mieux comprendre quelles sont les caractéristiques du sous-sol et comment elles affectent les propriétés des ondes sismiques (amplitude, fréquence, … ) à un endroit donné. Ces études permettent d’élaborer des cartes d’aléa sismique (mettre un lien sur cette partie) et ainsi de définir des normes de construction parasismiques adaptées à chaque zone.

L’AFPS, Association française de génie parasismique, qui regroupe sismologues, architectes, et ingénieurs parasismiques, met au point des recommandations pour l’élaboration des normes de construction parasismique pour les bâtiments en France en se basant également sur l’étude des effets des séismes à l’étranger. Ce sont ensuite les autorités qui sont chargées de mettre en œuvre les mesures de contrôle des constructions nécessaires.

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