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Instruments et techniques de la sismologie

Un peu d’histoire

La sismologie est une science relativement jeune. Nous devons le premier enregistrement d’un téléséisme à Ernst von Rebeur-Paschwitz (1861-1895). Ce séisme, qui s’est produit au Japon en avril 1889, fut enregistré à Postdam (Allemagne) sur du papier photo grâce à un appareil initialement dédié à la mesure des faibles variations temporelles de la gravité terrestre. Ce fut le début officiel de la sismologie moderne, dite « instrumentale » même si quelques appareils plutôt dédiés à l’enregistrement de séismes proches et importants avaient été développés auparavant au cours du XIXème siècle.

Dès 1892, un exemplaire du sismomètre développé par E. Rebeur-Paschwitz fut installé à Strasbourg (alors en territoire allemand) ainsi que dans quelques autres villes européennes. Ces premiers enregistrements de séismes par plusieurs capteurs espacés géographiquement permirent d’effectuer les premiers calculs des vitesses de propagation des ondes sismiques dans la Terre et de localiser le foyer de ces séismes.

Premiers pas de la sismologie instrumentale à Strasbourg (musée de sismologie de Strasbourg)

Ces premiers résultats ouvrirent la voie à un développement important des réseaux de sismomètres à l’échelle mondiale et à la construction de bâtiments dédiés à l’accueil de ces équipements, comme la station sismologique de Strasbourg inaugurée en 1900.

Durant toute la première moitié du XXème siècle, tout un ensemble de sismomètres mécaniques, puis électromagnétiques ont été développés et installés dans une dizaine d’observatoires en France. Les enregistrements s’effectuaient sur du papier « noir de fumée » ou du papier photographique qui constituent encore aujourd’hui une base documentaire fondamentale pour les chercheurs.

Sismogramme des secousses enregistrées sur papier noir de fumée lors du bombardement de Strasbourg les 11 et 12 août 1944 - Sismomètre Xiechert - Numérisation par Romain Darnaud, Paris. Crédits photos : Arno Gisinger©

Sismogramme des secousses enregistrées par un sismomètre Xiechert sur papier noir de fumée lors du bombardement de Strasbourg les 11 et 12 août 1944 – Collection du musée de sismologie de Strasbourg, numérisation par Romain Darnaud et photo par Arno Gisinger, 2020

A partir des années 50, l’électronique fait son apparition, les sismomètres se miniaturisent et leur sensibilité augmente. Des premiers réseaux dédiés à la surveillance des explosions nucléaires voient le jour. Plusieurs réseaux régionaux académiques se développent également afin de surveiller l’activité sismique des régions françaises les plus actives (Pyrénées, Alpes, Fossé rhénan…) via l’installation de sismomètres dits « courte période » bien adaptés à l’enregistrement de petits séismes proches. Les systèmes de mesures étaient entièrement analogiques. L’enregistrement des données s’effectuait, soit sur papier, soit sur bandes magnétiques en mode « déclenché » (enregistrement d’une petite portion de sismogramme lorsqu’un seuil de mouvement était détecté). Ces données étaient ensuite relues en laboratoire et post-traitées pour constituer un catalogue de sismicité en différé. A la fin des années 70, environ 50 stations sismologiques relevées régulièrement étaient en fonctionnement sur le territoire métropolitain.

Au début des années 80, des liaisons radio analogiques furent mises en place afin de transmettre les données continues directement à un site relais, où elles étaient alors numérisées puis transmises grâce à une liaison téléphonique numérique au centre d’analyse du Rénass (Réseau National de surveillance Sismique). Cela permit de palier en partie aux pertes de données provoquées par le remplissage trop rapide des bandes magnétiques. Dans cette même période, des systèmes d’enregistrement numérique des données avec transmission radio ou téléphonique (numérique et analogique) ont été développés et déployés progressivement.

Ces réseaux bénéficièrent ensuite de diverses modernisations technologiques, en particulier avec le développement du numérique. En 2007, on comptait 108 stations sismologiques « courte période » sur le territoire métropolitain.

Ces stations avaient cependant comme inconvénient de « saturer » lorsqu’un fort séisme se produisait à proximité. Cela motiva la construction, à la fin des années 90, d’un réseau complémentaire, le Réseau accélérométrique permanent (RAP), basé sur des accéléromètres bien mieux adaptés à l’enregistrement de ces évènements forts. Ces accéléromètres permettent également d’équiper des bâtiments et de mieux comprendre comment ces derniers réagissent aux sollicitations sismiques.

A partir des années 80 un nouveau type de sismomètre présentant une grande dynamique (capacité à enregistrer le mouvement du sol sur une large gamme d’amplitude) et une large bande de fréquence (capacité à enregistrer toutes les fréquences du mouvement du sol) fut développé. Peu à peu, dans le cadre du développement du Réseau large bande permanent (RLBP), ces nouveaux sismomètres ont remplacé les anciens capteurs courte période et ont été installés de manière plus régulière et plus dense sur tout le territoire. Ce développement s’est accompagné d’une homogénéisation des autres équipements associés (dont le numériseur) et des méthodes de transmission des données.

Aujourd’hui le Réseau large bande permanent (RLBP) et le Réseau accélerométrique permanent (RAP), composantes de l’infrastructure de recherche nationale Epos-France, comprennent environ 250 stations sismologiques permanentes réparties sur toute la métropole et en outre-mer.

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Carte des stations du réseau sismologique large bande français (Résif-RLBP)

Carte des stations du réseau sismologique large bande français (RLBP) © Epos-France 2022

La série “Des oreilles au sol” relate la construction du Réseau sismologique et géodésique français Résif-Epos, devenu Epos-France en 2023. Tournée en 2016, elle présente les enjeux (épisode 1), les étapes (épisode 2), les disciplines scientifiques et les acteurs de ce grand projet qui s’est déroulé de 2012 à 2022. En savoir plus sur Epos-France – Voir tous les épisodes sur la chaîne Youtube Epos-France.

Comment fonctionnent concrètement ces sismomètres ?

Le sismomètre est un appareil capable de détecter les mouvements du sol et de les enregistrer, analogiquement ou numériquement, en suivant une base de temps très précise (il est indispensable d’étudier les mouvements du sol en fonction du temps si l’on veut localiser l’origine d’un séisme). L’enregistrement du mouvement de la masse en fonction du temps correspond au sismogramme.

Le sismomètre est en général composé d’un capteur, d’un amplificateur, d’un transducteur et d’un enregistreur. Il est le plus souvent inséré dans un bâti dans lequel la masse d’un capteur oscille en cas de sollicitation sismique. Lorsque le sol bouge, le bâti, qui est solidaire du sol, bouge aussi. Cela provoque un mouvement relatif entre la masse et le bâti. Ce mouvement relatif est amplifié par un système mécanique, mécanique-optique ou électronique, puis enregistré grâce au système d’enregistrement inclus lui aussi dans le bâti.

Les sismomètres modernes comportent également un système d’amortissement (type piston à air, bain à huile, courant de contre-réaction…). Sans amortissement, la masse peut en effet, en théorie, osciller à l’infini. Dans la pratique, ce n’est pas le cas mais la masse peut continuer à osciller même si le champ excitateur (les vibrations dues au séisme) a disparu. L’amortissement du système permet de remédier à cela.

Par ailleurs, les ondes sismiques qui génèrent les oscillations du sol peuvent avoir des polarisations, c’est-à-dire des directions de vibrations diverses que l’on peut décomposer suivant les trois dimensions qui définissent notre environnement : on considère donc, en général, une verticale et deux horizontales (nord-sud et est-ouest). Selon l’orientation des oscillations de la masse, certains capteurs sont sensibles aux mouvements horizontaux et d’autres aux mouvements verticaux. Pour mesurer complètement les mouvements du sol, une station sismologique doit donc contenir un capteur vertical et deux horizontaux, afin d’obtenir une bonne restitution des vibrations du sol en trois dimensions.

Enfin, selon le type de sismomètre utilisé, les vibrations du sol ne sont pas toujours enregistrées de la même manière. On peut enregistrer le déplacement, la vitesse de déplacement ou l’accélération. Un sismomètre mécanique sera sensible au déplacement, tandis qu’un sismomètre électromagnétique mesurera plutôt une vitesse, comme le définissent les lois régissant l’électromagnétisme. On parle généralement de vélocimètre pour un sismomètre qui mesure la vitesse de déplacement du sol en fonction du temps, et d’accéléromètre pour celui qui enregistre l’accélération du sol. Un accéléromètre a généralement une plus grande dynamique (capacité à enregistrer le mouvement du sol sur une large gamme d’amplitude) et une plus petite sensibilité qu’un vélocimètre. Il est utilisé pour enregistrer les mouvements forts.

Les sismomètres sont classés en fonction du contenu fréquentiel auquel ils peuvent être sensibles. En effet, tout oscillateur a une bande passante limitée, liée à sa pulsation propre : il ne peut donc pas réagir à toutes les fréquences que peut contenir un signal. C’est pourquoi il existe des sismomètres dits « courtes périodes » (de 0,1 à 2 secondes) ou « moyennes et longues périodes » (de 2 secondes à plusieurs minutes). Aujourd’hui, on dispose également de sismomètres dits « large bande », sensibles à une grande gamme de fréquences (de quelques centièmes de seconde à quelques minutes). Ce type de sismomètres constitue une large part du réseau d’observation sismologique français Epos-Frace.

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Un sismomètre, comment ça marche ? (1:50 mn)

Sismologie Fiche pédagogique Mesurer les séismes 1

Mesurer les séismes : sismomètres. Fiche pédagogique. Auteurs : Olivier Beucler (textes) et Aurore Delahaye (dessin)