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Sismicité actuelle en Outre-mer

La France d’Outremer (DROM-Com) est, elle aussi, exposée à une sismicité. Celle-ci varie en fonction du contexte géologique de ces différents territoires. Plus de 97% de la sismicité mondiale a lieu le long des frontières de plaque tectonique, où deux plaques peuvent se rapprocher (zone de subduction ou collision), s’éloigner (dorsale océanique) ou coulisser l’une par rapport à l’autre.

Dans les Outremers, la sismicité peut être générée par le glissement de failles induit par la tectonique des plaques (Petites Antilles, Wallis et Futuna, La Nouvelle-Calédonie), ou bien par l’activité volcanique (Petite Antilles, La Réunion, Mayotte, Polynésie Française). Mais même dans les zones dites « stables », loin des volcans et des frontières de plaques, une sismicité existe (Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon). Quelque soit son origine, elle est enregistrée par les réseaux sismologiques nationaux (les réseaux sismologiques des observatoires volcanologiques, le réseau sismologique de Polynésie Française, etc…) et internationaux (Geoscope), dont la plupart des données sont récoltées et distribuées par l’infrastructure de recherche Epos-France.

Sur cette page, nous vous proposons un tour d’Outremer de la sismicité. Pour en savoir plus sur la sismicité à l’échelle du globe, consultez la page dédiée.

 

Sismicité d’origine volcanique

Sur l’île de la Réunion, la majeure partie de la sismicité est liée à l’activité du Piton de la Fournaise, volcan actif issu d’un point chaud, et qui est en éruption une ou plusieurs fois par an. Surveillé par l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise (OVFP), une cinquantaine de sismomètres enregistrent des séismes de façon quotidienne. Ils se localisent principalement à l’aplomb du Piton de la Fournaise et du Piton des Neiges et traduisent la migration du magma en profondeur. Depuis l’ouverture de l’observatoire, en 1979, le plus fort séisme (magnitude 5.3) a été enregistré le 5 avril 2007 au cours de l’éruption du Piton de la Fournaise. Cependant, la majorité des séismes ressentis sont situés dans le secteur de la Roche Ecrite, au Nord-Ouest de l’île. Ils ne sont pas directement liés aux fréquentes éruptions, et leur origine (possiblement lié au poids que les volcans exercent sur la croûte sous-jacente) est débattue et constitue un sujet de recherche actuel.

Ci-contre : Sismicité de l’île de la Réunion. Les épicentres des séismes enregistrés et localisés par l’ OVPF entre Mars 1996 et Février 2021 sont représentés. Ils sont colorés en fonction de leur date et leur taille varie en fonction de leur magnitude. La distribution en profondeur des séismes est représentées le long de deux profils topographiques (A-B et A’-B’). Figure tirée d’un article scientifique (lire l’article).

Sismicité de l’île de la Réunion
Carte de la crise sismique débutée en mai 2018 le long de la côte Est de Mayotte

Carte de la crise sismique débutée en mai 2018 le long de la côte Est de Mayotte. Les points blancs représentent la sismicité avant mai 2018, les autres points colorés représentent la sismicité entre mai 2018 et octobre 2020. L’étoile blanche montre l’épicentre du séisme de magnitude 5.9, le plus fort enregistré pendant la crise. Le rond rouge montre la localisation du volcan Fani Maore. Carte tirée. Figure tirée d’un article scientifique (lire l’article).

Avant 2018, l’île de Mayotte, dans l’archipel des Comores, était considérée comme un territoire caractérisé par une activité sismique faible à modérée . Pourtant, en mai 2018, une forte crise sismique a été ressentie par la population dans ce territoire qui n’était instrumenté qu’à travers une station du RAP . Chaque semaine, plusieurs séismes de magnitude comprise entre 4 et 5 se produisaient au large de Mayotte, entre 5 et 50 km des côtes (voir figure). Le plus fort séisme atteignit une magnitude de 5.9, et fut intensément ressenti par la population. La succession fréquente de ces secousses fortement ressenties a généré des dommages modérés sur l’île. Depuis, l’origine de cette sismicité a été découverte grâce à la réalisation de campagnes en mer (mai 2019) : la sismicité et les autres phénomènes enregistrés sur l’île de Mayotte ont été générés par la naissance d’un nouveau volcan sous-marin, qui est apparu sur le fond de la mer, et par la migration des fluides magmatiques l’alimentant. Nommé Fani Maoré, ce volcan qui s’est construit sur le plancher océanique à 3200 m culmine aujourd’hui à 800 m au-dessus du fond de la mer. Afin de suivre son activité, un réseau d’observation a été créé en 2019 : le Revosima. Il est équipé de sismomètres sous-marin, déployés sur le fond de la mer, ainsi que de différents capteurs acoustiques, et il met en œuvre des campagnes en mer de surveillance afin de suivre au plus près l’évolution de l’éruption et des phénomènes associés (dont les séismes).

La Polynésie française enregistre également des épisodes de sismicité liés à la migration de fluides magmatiques aux abords de points chauds. C’est également le cas de l’île de Kerguelen, habitée à l’année par une équipe scientifique qui maintient, entre autres, la station sismique du réseau Geoscope qui y est installée. Cette île fait partie des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), au même titre que l’île de la Nouvelle-Amsterdam et l’archipel de Crozet, elles aussi équipées d’une station sismologique détectant localement l’activité tectonique et volcanique de la dorsale Est Indienne. Enfin, en Guadeloupe et en Martinique, les observatoires volcanologiques et sismologique de Guadeloupe (OVSG) et de Martinique (OVSM) surveillent l’activité des volcans explosifs de la Soufrière de Guadeloupe et de la Montagne Pelée qui peuvent générer une sismicité modérée également, au gré de l’activité magmatique de ces édifices. En 2018, un séisme volcanique de magnitude 4,1 (plus forte magnitude depuis la crise éruptive de 1976) a été fortement ressenti dans les communes proches de la Soufrière de Guadeloupe.

Sismicité d’origine tectonique

L’archipel des Petites Antilles, dont font partie la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, se localise le long d’une zone de subduction, c’est à dire à proximité de la frontière entre la plaque Caraïbes et la plaque Amérique qui se rapprochent à une vitesse de 2 cm/an. La plaque Amérique s’enfonce sous la plaque Caraïbes, ce qui génère une partie de la sismicité enregistrée par les réseaux sismologiques. Si la zone de subduction des Petites Antilles est considérée comme ne produisant que peu de sismicité au regard des autres zones de subduction, elle n’en reste pas moins le siège de séismes de magnitude importante qui peuvent se localiser à trois endroits différents :

  • Le long de l’interface de subduction (zone de blocage en rouge sur la figure), c’est à dire le long de la faille qui glisse lors de séismes et qui permet aux plaques de se rapprocher. Aujourd’hui, la sismicité y est modérée, mais le passé nous apprend que de forts séismes s’y sont produits (étoiles rouges sur la figure). Le 11 janvier 1839, un séisme de magnitude estimée entre 7.5 et 8 a eu lieu à l’Est de l’île de la Martinique. Ce séisme détruisit Fort-de-France (intensité XIII à IX), tuant plusieurs centaines de personnes. Quatre ans plus tard, un séisme de magnitude estimée à 8-8.5 généra des intensités macrosismiques de IX (sur une échelle de I à XII) à Pointe-à-Pitre, et donc des dommages sévères et de nombreuses victimes dans l’archipel. Sa localisation est estimée à 30-50 km au nord-est de la Guadeloupe, entre Grande-Terre et Antigua. Ce tremblement de terre a certainement rompu l’interface de subduction (zone de blocage en rouge sur la figure), mais il aurait également pu être déclenché par une rupture en profondeur de la plaque plongeante, comme décrit ci-après.
  • En profondeur, dans la plaque océanique plongeante (étoile jaune sur la figure) : la plaque océanique Amérique s’enfonce sous la plaque Caraïbes sous l’effet de son poids et de sa densité, qui augmente en profondeur. Cette plaque est donc soumise à une extension qui peut créer une sismicité. C’est ce qu’il s’est passé le 29 Novembre 2007 en Martinique. La plaque Caraïbes s’est partiellement cassée à 150 km de profondeur, générant un séisme de magnitude 7.4 ressenti dans l’île (intensité VI-VII) et dans tout l’archipel des Petites-Antilles.
  • À proximité des îles dans la plaque Caraïbes, un réseau de failles induit une sismicité modérée, mais superficielle. La proximité entre les îles et les séismes implique que ceux-ci peuvent être ressentis par la population, et peuvent également générer des dommages sur les îles. Si des centaines de séismes sont enregistrés chaque année par le réseau sismologique installé, seuls quelques-uns ont marqué les populations dans la mesure où ils ont généré des intensités macro-sismiques de VI et plus en Guadeloupe (séisme de Mw 7.4 à Barbuda en 1974, séisme de Mw6.3 Montserrat en 1985). Le plus récent est le séisme des Saintes (étoile verte sur la figure 2). Il a eu lieu le 21 Novembre 2004 à 7h41 heure locale, au sud de l’archipel des Saintes, et a été ressenti jusqu’en Dominique, et à Marie-Galante. Localisé à 10 km de profondeur, il a généré une vague de tsunami d’amplitude maximale de l’ordre de 3 m. Les nombreuses répliques sismiques qui ont suivi ce tremblement de terre ont été également fortement ressenties par la population (2000 répliques le 1er jour.
Schéma 3D de la zone de subduction des Petites Antilles avec localisations de séismes repérées par des étoiles colorées

Schéma 3D de la zone de subduction des Petites Antilles avec localisations de séismes repérées par des étoiles colorées © N.Feuillet, IPGP

La Nouvelle-Calédonie se situe également à proximité d’une zone de subduction mais, au contraire des Antilles, cette île se localise sur la plaque plongeante qui s’enfonce sous la micro-plaque Fiji à une vitesse d’environ 12 cm/an. En moyenne, on compte 2 séismes de magnitude supérieure à 6.5 par an, enregistrés par le réseau sismologique en place. Localisés à environ 200-300 km des côtes calédoniennes, les séismes y sont parfois ressentis par la population. Le plus fort séisme ressenti ces 30 dernières années a eu lieu le 15 mai 1995 par exemple, un séisme de magnitude 7.8, localisé le long de la subduction de Vanuatu, a été ressenti avec une intensité de IV (vibration comparable au passage d’un gros camion) à Nouméa.

L’archipel de Wallis et Futuna, localisé quelques milliers de kilomètres plus à l’Est dans l’océan Pacifique, se situe également à proximité d’une frontière de plaque tectonique. Les plaques Australienne et Pacifique coulissent l’une par rapport à l’autre à une vitesse d’environ 5 cm/an. La sismicité y est donc plus fréquente qu’aux Antilles. Au cours des derniers 50 ans par exemple, on dénombre 20 séismes de magnitude supérieure à 6.5 s’étant produits à moins de 200 km de l’archipel. Souvent ressentis par la population, ces séismes n’y génèrent pas de dommages, excepté au cours de la crise sismique qui survint en mars 1993. Une séquence de séismes ressentis par la population débuta le 11 mars 1993, tandis que, dans la nuit du 12 au 13 mars, un choc d’une magnitude estimée à 6.3-6.5 survint à 10 km à l’ouest de Futuna. Cette secousse généra de forts dommages sur les constructions, ainsi que le décès de trois personnes parmi les nombreux blessés. À l’époque, un réseau sismologique temporaire y a été installé par une équipe de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). En 2018, une station du réseau international Geoscope a été installée sur l’île de Futuna.

Ces territoires sont donc exposés au risque sismique, auquel s’ajoute le risque tsunami puisqu’un séisme ayant lieu en mer peut parfois engendrer la formation d’une vague de tsunami.

Territoires localisés en zone « stable » : une sismicité qui pose question ?

Parmi les Départements, Régions et Collectivités d’Outre-Mer, deux sont localisés en zones dites « stables » c’est à dire loin des frontières de plaques. Ils ne sont donc pas soumis à une sismicité fréquente, et nous pourrions penser que le risque sismique y est absent. Néanmoins, quelques secousses, parfois de forte magnitude, y ont été enregistrées.

En Guyane par exemple, localisée le long de la côte Est de l’Amérique du Sud, de petits séismes (magnitude 2 à 3.5) ont été ressentis en 2017 par les populations. La plus forte secousse de ces dernières années, de magnitude 5, a eu lieu en juin 2006. Ces séismes sont localisés au large, à proximité de la bordure du plateau continentale, là où les sédiments des fleuves qui drainent les Andes se déposent, formant de grands deltas sous-marins. Les deltas de l’Orénoque, du Maroni et de l’Amazone pèsent sur la croûte terrestre, ce qui peut produire cette sismicité modérée.

Saint-Pierre-et-Miquelon, au large du Canada dans l’océan Atlantique Nord, est également situé à l’intérieur d’une plaque tectonique, donc dans une zone qui, en théorie, ne devrait pas être sujette à l’aléa sismique. Peu de séismes y sont enregistrés, mais pourtant, le 18 novembre 1929, un séisme de magnitude 7.2 se produisit à 250 km au sud des îles. Générant des intensités macrosismiques de VII le long de la côte nord-américaine, ce séisme produisit de lourds dommages, et entraîna un glissement de terrain sous-marin qui provoqua un tsunami d’une hauteur maximale de 13 m. Depuis, le réseau sismologique canadien enregistre la sismicité dans la zone. Les séismes s’alignent sur une structure nommée « zone sismique de la pente du Saint Laurent » qui se situe au large du delta sous-marin de ce fleuve. Les études de cette sismicité semblent indiquer qu’elle est générée par la déformation de la plaque tectonique, en lien avec les forces de la tectonique des plaques.

Ressources et liens pour aller plus loin